1. Introduction
Le terme féminicide est aujourd'hui largement employé dans les discours médiatiques et militants en France, en particulier par l'ONG Nous Toutes. Officiellement défini comme « le meurtre d'une femme en raison de son genre » (ONU, 2012 ; Code pénal mexicain, 2010), il est censé désigner un crime motivé par la haine ou le mépris du sexe féminin.
Cependant, dans le contexte français, l'usage réel du mot s'écarte sensiblement de sa définition stricte pour englober la quasi-totalité des homicides dont les victimes sont des femmes. Cette généralisation soulève des enjeux de précision criminologique, de neutralité statistique et d'éthique militante.
2. Définition et glissement sémantique
2.1. Définition internationale
Selon l'ONU et divers codes juridiques latino-américains, le féminicide se caractérise par :
- Un mobile explicitement lié au genre (gender-based killing).
- Souvent associé à des violences sexuelles, des mutilations ou un contexte de haine misogyne.
- Une volonté de cibler la victime en tant que femme.
2.2. Définition appliquée par Nous Toutes
Dans la pratique, Nous Toutes étend cette définition à :
- Tout homicide conjugal ou ex-conjugal dont la victime est une femme.
- Certains meurtres familiaux ou de voisinage, sans que le mobile soit lié au genre.
- Parfois même à des cas où l'auteur souffre de troubles psychiatriques graves, sans motivation genrée identifiable.
Conséquence : le terme perd son sens criminologique précis pour devenir un label émotionnel, utilisé de manière quasi-systématique.
3. Mécanismes de manipulation lexicale
3.1. Effacement de la cause réelle
Un homicide motivé par la jalousie, un conflit patrimonial ou une dispute ponctuelle est requalifié en féminicide, masquant la nature réelle du mobile.
Exemple :
Un homme tue sa compagne après l'annonce d'une séparation → mobile personnel.
Narratif militant : « Elle a été tuée parce qu'elle était une femme ».
3.2. Confusion volontaire avec les statistiques officielles
Ministère de l'Intérieur (2023) : 94 femmes tuées par leur partenaire ou ex-partenaire.
Nous Toutes : 94 féminicides, sans distinction des mobiles.
→ Cela entretient l'idée d'une violence masculine systémique, plutôt que de crimes motivés par des dynamiques interpersonnelles.
3.3. Amplification médiatique
En imposant ce terme dans leurs publications, Nous Toutes incitent les médias à le reprendre, créant un cercle de validation :
- L'association publie une fiche "féminicide" sur Instagram.
- Les médias reprennent le mot, renforçant sa légitimité.
- Le public assimile le mot à toute mort violente de femme.
4. Utilisation politique et financière
4.1. Emotional branding
Le mot féminicide déclenche un impact émotionnel supérieur à homicide conjugal.
Il permet de polariser l'opinion et de mobiliser rapidement sur les réseaux sociaux.
4.2. Accès aux subventions
En créant un climat d'urgence, l'ONG justifie l'obtention de financements publics pour des campagnes de sensibilisation, formations, ou programmes d'aide.
Ces financements dépendent en partie de la visibilité médiatique et du sentiment d'urgence créé.
4.3. Influence législative
Le terme est utilisé pour pousser à l'adoption de lois spécifiques, souvent centrées sur un renforcement des sanctions contre les hommes, au détriment d'une approche neutre du droit pénal.
5. Conséquences sociétales
5.1. Déformation de la perception publique
En élargissant la notion de féminicide, l'ONG contribue à faire percevoir les relations hommes-femmes comme un champ de violence systémique permanente.
5.2. Invisibilisation d'autres victimes
Les hommes victimes d'homicides conjugaux (environ 25 cas/an en France) sont largement absents du débat.
Les autres formes de violences familiales, non genrées, sont minimisées.
5.3. Risque de décrédibilisation
Une inflation lexicale peut conduire à un rejet de la notion même, y compris dans les cas où elle serait effectivement justifiée (crimes de haine contre les femmes).
6. Conclusion
L'usage militant du terme féminicide par Nous Toutes illustre un phénomène de manipulation lexicale où un mot, initialement précis, est élargi pour servir un agenda idéologique et politique.
Si la dénonciation des violences conjugales est légitime, la requalification systématique en féminicide brouille la compréhension criminologique, entretient un climat anxiogène et ouvre la voie à une instrumentalisation politique et financière.
Références
- ONU Femmes (2012). UN Handbook for Legislation on Violence Against Women.
- Ministère de l'Intérieur (2023). Étude nationale sur les morts violentes au sein du couple.
- Russell, D., & Harmes, J. (2001). Femicide in Global Perspective.
- Lagarde, M. (2008). Feminicidio y feminicidio. UNAM.