🎯 Introduction
L'analyse des violences conjugales est fréquemment parasitée par des affirmations généralisantes — telles que « Tous les hommes » ou « La majorité des hommes » — qui reposent davantage sur des slogans que sur des données solides.
Pour évaluer objectivement la proportion d'hommes auteurs de telles violences, il est nécessaire de se baser sur des séries statistiques fiables et sur une méthodologie de cumul cohérente, permettant d'intégrer l'évolution dans le temps tout en corrigeant les biais connus (récidive, double comptage, etc.).
Cet article se concentre exclusivement sur l'exploitation des données officielles françaises sur une période de dix ans (2014–2023), et propose deux scénarios :
- Scénario strict : violences conjugales physiques ayant donné lieu à un enregistrement officiel.
- Scénario large : violences physiques + non physiques (verbales, psychologiques, économiques), selon les enquêtes de victimation.
🔬 Méthodologie
📋 Sources utilisées
SSMSI – Interstats (Ministère de l'Intérieur)
- Données annuelles sur les victimes enregistrées de violences conjugales (2014–2023)
- Distinction par sexe de la victime, âge et lien avec l'auteur
INSEE
- Estimation de la population masculine adulte (18–74 ans) : environ 26 millions sur la période étudiée
INED / ONDRP – Enquêtes Cadre de vie et sécurité (CVS)
- Données sur les violences non physiques, souvent sous-déclarées
Hypothèse de récidive
Les travaux criminologiques estiment qu'environ 40 % des auteurs sont impliqués dans plusieurs affaires au fil du temps. Pour éviter le double comptage, les taux bruts sont donc ajustés par un facteur (1−0,40).
🧮 Calculs
Taux annuel brut
Taux annuel ajusté
Cumul sur 10 ans
Probabilité qu'un homme ait été auteur au moins une fois sur la période :
où p est le taux ajusté annuel moyen.
📈 Résultats
📊 Évolution annuelle des taux ajustés
Taux annuel ajusté d'hommes auteurs de violences conjugales
- Scénario strict : environ 0,46 % en 2014 → 0,62 % en 2023
- Scénario large : environ 2,1 % en 2014 → 2,6 % en 2023
📊 Proportion cumulée sur 10 ans
Année | Taux strict (%) | Cumul strict (%) | Taux large (%) | Cumul large (%) |
---|---|---|---|---|
2014 | 0,46 | 0,46 | 2,1 | 2,1 |
2015 | 0,48 | 0,93 | 2,2 | 4,3 |
2016 | 0,50 | 1,42 | 2,3 | 6,5 |
2017 | 0,52 | 1,91 | 2,3 | 8,7 |
2018 | 0,54 | 2,41 | 2,4 | 10,9 |
2019 | 0,55 | 2,90 | 2,4 | 13,0 |
2020 | 0,56 | 3,40 | 2,5 | 15,2 |
2021 | 0,57 | 3,90 | 2,5 | 17,3 |
2022 | 0,59 | 4,40 | 2,6 | 19,5 |
2023 | 0,62 | 5,30 | 2,6 | 21,0 |
Proportion cumulée d'hommes concernés par violences conjugales (2014-2023)
📊 Interprétation
🎯 Résultats clés
- Scénario strict : Sur dix ans, environ 5,3 % des hommes adultes auraient été auteurs de violences conjugales physiques au moins une fois → 94,7 % n'ont jamais été concernés.
- Scénario large : En incluant violences non physiques, on obtient environ 21 % sur 10 ans → 79 % des hommes ne sont pas concernés.
💭 Discussion
📅 Choix de la période
10 ans est un compromis idéal : assez long pour lisser les variations annuelles, mais pas trop pour éviter que des changements structurels (lois, société) ne biaisent la comparaison.
Une projection sur 20 ans augmenterait mécaniquement les taux cumulés, mais intégrerait plusieurs fois les récidivistes.
⚠️ Biais à prendre en compte
- Récidive : non prise en compte → surévaluation des auteurs uniques.
- Sous-déclaration : inversement, les violences non rapportées ne sont pas comptées dans les données policières.
- Qualification pénale : les affaires enregistrées comme "violences conjugales" incluent des contextes très variés, allant de l'agression grave à l'altercation verbale (dans le scénario large).
🎯 Conclusion
Les données officielles françaises montrent que, sur 10 ans :
Même dans le scénario le plus large, près de 80 % des hommes ne sont jamais concernés.
Dans le scénario strict, ce chiffre grimpe à plus de 94 %.
Ces résultats contredisent radicalement l'idée selon laquelle « tous les hommes » seraient dangereux ou agresseurs. Seule une approche quantitative rigoureuse, fondée sur des séries temporelles, permet de poser un diagnostic objectif.